La Renaissance
Évoquer cette salle, c’est dire une vie sans télévision, ni automobile, ni téléphone portable. Une vie faite de cow-boys, d’Indiens, d’histoires d’amour toujours. Bref, un monde perdu. La Renaissance est un mythe local.
A Rouen, le cinéma fit d’abord son apparition à la foire St-Romain ou au cirque municipal. Il fallut attendre 1908 pour que s’ouvre la première salle fixe, l’Innovation, rue Gros-Horloge. D’autres salles vinrent par la suite, puis ce fut août 1914. Du jour au lendemain, les salles fermèrent. Les autorités civiles et militaires jugeaient le divertissement nuisible au moral des troupes. Cela dura six mois. La guerre s’enlisait. On s’aperçut alors que ce fameux cinématographe pouvait aussi distraire de la boucherie. C’est dans ce contexte que s’ouvrit La Renaissance.
Jusqu’ici, les habitants du quartier n’avaient eu droit qu’à des séances éparses. D’abord à La Solidarité, home protestant, 124 rue St-Hilaire, puis rue de l’Amitié, au Foyer du même nom. N’empêche, il manquait ici un cinéma permanent, accessible et « pas cher ». En mars 1915, un certain François André, déjà propriétaire de salles à Arras en sera le maître d’oeuvre.
La Renaissance, construite au 95 de la rue St-Hilaire, contenait 650 places. Pour l’inauguration, la presse décrivit une « quarantaine de rangs de fauteuils confortables en fer et en bois avec dossier », parlant aussi d’un promenoir « latéral » et d’un « espace libre » prévu en « jardin d’hiver ». Ce décor indique surtout une construction à l’économie, un calcul raisonnable en temps de guerre. Conclusion journalistique : on se félicitait de l’arrivée d’un « confortable établissement » où la population de ce « quartier laborieux » saura trouver « tout en restant chez elle » un endroit de « saines et agréables distractions ». Admettons.
Parmi les notabilités présentes, on citait Maurice Nibelle, député, des conseillers municipaux et des commerçants du quartier, accueillis par MM. André et Lemire, propriétaire et directeur. Rideau levé, le public eut droit à Vaincre ou mourir ! « drame à grand spectacle en quatre parties », Dernières nouvelles de la guerre, une « vue de voyage pittoresque » et Polydor pressé. Côté accompagnement musical, l’orchestre se composait de deux violons, d’un piano et d’un basson, renforcés de Madame Leboiteux, chanteuse à voix. Celle-ci obtint un triomphe avec une Marseillaise « écoutée debout par toute la salle ». Ainsi débutait une carrière de 44 années.
A l’issue de la Grande Guerre, François André, propriétaire, revendit le fonds de commerce ; ce fut au tour de Marcel James de diriger la salle, cédée en janvier 1926 à un couple, M. et Mme Dam. En 1935, nouvelle cession, cette fois à deux frères, Fernand et André Michelon. C’est ce dernier qui dirigea l’exploitation jusqu’en 1959, avant qu’une succession compliquée ne l’oblige à la fermeture.
La Renaissance eut longtemps (et a encore) une renommée pittoresque. Il en était autrement dans les années Trente où la population de « la Croix de Pierre » évoquait plutôt le réceptacle des classes laborieuses, réputées dangereuses. Dans la presse locale, la rubrique des faits divers était prompte à relater rixes et règlements de compte (parfois meurtriers) auxquels le cinéma servait de décor. A la sortie, aux entractes, au bar ou dans la rue, les « mauvais garçons » jouaient autant des poings que du couteau. Influence des films ? Peut-être.
Salle de deuxième catégorie, La Renaissance était une salle de « deuxième vision », proposant les succès déjà épuisés par les salles à « exclusivités ». Au cours des années Vingt, le gros de la programmation était assurée par les films « porteurs » alliant productions majeures et bandes de moindres importance, les séances étant agrémentées d’attractions, chanteurs ou clowns.
Le cinéma de cette époque, celle des sérials et du cinéma muet, est mal connu. Si restent dans les mémoires cinéphiles Le Dernier des hommes, Le Mécano de la générale, La Chute de la Maison Usher ou L’Homme à la caméra, on sait aussi que ces raretés sortaient peu, sinon jamais à Rouen. En revanche, à La Renaissance ou ailleurs, on pouvait voir L’Enfant des Halles « grand ciné-roman en 8 chapitres », Michel Strogoff avec Yvan Mosjoukine, La Maîtresse de Satan « grand drame avec Marcelle Albani » ou Le Repaire des Aigles « avec Paul Richter ».
Il en sera de même pour les années Trente ; alors que sortaient « en ville » les futurs classiques du cinéma français (rien qu’en 1937 : La Grande illusion, Regain, Drôle de Drame…), rue St-Hilaire, on se contentait d’Ariane jeune fille russe, Un de la Légion ou L’Affaire Coquelet. Choix des exploitants ? Du public ? Un peu des deux, mais il est certain que si louer un « grand film » coûtait cher, un « petit » coûtait moins et remplissait la salle tout autant.
La guerre de 39-40, la défaite et l’Occupation, offrirent un surplus de vitalité. Plusieurs salles ayant été détruites, certaines ayant été réquisitionnées par l’armée allemande, La Renaissance traversa cette période en souffrant surtout des restrictions d’électricité. Période faste ? En tout cas d’un grand profit à en juger les annonces-presse sous-titrées d’un « s’il reste des places disponibles » ; lorsqu’elle en avait un réel besoin, la population du centre-ville ne dédaignait pas la rue St-Hilaire.
Vinrent les années 50 et une sorte d’âge d’or. Pour la mémoire locale, La Renaiss’, la seule, la vraie, c’est celle des « série B ». Ce fut le temps des teenagers. Quand leurs parents applaudissaient Bourvil ou Fernandel, eux plébiscitaient les films d’aventures débités au kilomètre par Hollywood. Qui voulait voir Winchester 73, Le Trésor de Tarzan ou Requins des mers, devait aller là et pas ailleurs.
Toute histoire a une fin. A l’aube des années Soixante, La Renaissance ne présentait plus guère d’attrait : salle vieillotte, programmation monotone, déferlante de la télévision… On se dirigeait vers la fermeture. Presse et public s’alarmèrent : qu’allait devenir La Renaiss’ ? Un supermarché ? On en parlait encore lorsqu’un exploitant de banlieue, René Boutigny, reprit l’affaire. Il en confia la gestion à ses deux fils, Antoine et Jacques. Ceux-ci y entreprirent de gros travaux et changèrent la vieille Renaissance en jeune et beau Vox.
Une autre histoire commençait.
Olivier POUPION Juillet 2013
OUAH ! quel bon en arrière ! La dernière fois que j’ai mis les pieds dans la « r’ness », j’avais cinq ans. c’était en 1956.Puis nous sommes partis de la rue de l’Amitié avec une grande majorité des habitants du quartier de l’Hôtel de ville (qui dépendait, cependant, du quartier de la Croix de Pierre) pour les immeubles de la rive gauche flambants neufs, de la rue David Ferrand (avenue de Grammont) en avril 57. J’ai écris un polar sur un crime de la rue de l’Amitié situé en hiver 54 (publié aux Editions Edilivre) dont le titre est : « On a tué la mère Michel », c’est un polar rigolard sans prétention (lisible gratuitement sur monbestseller.com) que j’ai osé commettre en l’honneur de mon ancien lieu de naissance (10 rue de l’Amitié) et j’aimerai retrouver des images du quartier et plus précisément de la rue de l’Amitié et de la rue Pomme d’Or. Pourriez-vous me tuyauter ? Bravo pour voter site. Claude CARRON
J AI HABITER RUE FLEURIGUET ACOTE DE LA CROIX DE PIERRE ANNEES 50
bonjour
je suis né rue eau de robec et je peut vour dire que « la renaiss »a été mon 2ieme foyer.c’était l’époque des 3 stoges en 1ere partie et venait ensuite le western tant attendu des nanards comme on dit maintenant mais quelle animation dans la salle ça chahutait ça courrait partout et le promenoir s’y prétait,.nous n’étions pas vieux entre 8 et 11 ans,le prix d’entrée était modique ce qui permettait d’avoir un esquimau « gervais »comme le disait la réclame a l’entracte
je suis né au 15 de la rue Saint Hilaire, mes premières sorties étaient au cinéma La Renaissance pour apprécier les westerns